Le site institutionnel de la Fédération Nationale de la Pêche en France

Accéder au site

generationpeche.fr – Toute l’actu de la pêche en France

Accéder au site

Trouvez les informations pêche de votre département

Accéder au site

cartedepeche.fr - Le site officiel pour obtenir la carte de pêche de votre association agréée

Accéder au site

Etude Truite

Contexte géographique, hydrosystèmes et macrofaune aquatique de l’île de La Réunion

Contexte insulaire, tropical et volcanique de La Réunion

L’île de La Réunion est située dans le sud-ouest de l’océan Indien au sud-est de Madagascar (21,2°S, 55,6°E).C’est une île volcanique d’une superficie de 2512 km², avec deux cônes basaltiques, le piton des Neiges (3069 m) et le piton de la Fournaise (2632 m). L’île est soumise à un climat tropical humide caractérisé par deux saisons, une saison « humide » (de janvier à mars) et une saison « sèche » (de mai à novembre). Avril et décembre sont des mois de transition pouvant être très pluvieux ou très secs (meteofrance.re). Trois grandes zones climatiques sont identifiées sur l’île : 1) la côte « au vent », à l’est, humide car soumise aux alizés, 2) la côte « sous le vent » à l’ouest, sèche car protégée des alizés par les reliefs et 3) les « hauts » où la pluviométrie peut être ponctuellement très importante (Keith et al., 1999 ; meteofrance.re). La Réunion détient des records de pluies intenses enregistrées entre 12 heures et 15 jours dans le monde (meteofrance.re).

L’hydrologie de l’île se distingue par de fortes pluies pendant la saison « humide » mais également par une hétérogénéité spatiale de ces pluies en termes d’intensité et de quantité résultant de la topographie de l’île et aux aquifères (Davy et Robert, 1988). Ces caractéristiques ont permis de définir six hydro-écorégions (Wasson et al., 2004). Les 13 cours d’eau avec un écoulement superficiel permanent se répartissent dans cinq hydro-écorégions (Office de l’eau Réunion, 2019). Ces cours d’eau se caractérisent par de très fortes variabilités des débits entre les débits d’étiage et les crues cycloniques (1 à 1200 fois) (Robert, 1975). Ces débits provoquent des phénomènes de « chasse d’eau » conduisant à la mise en place d’endiguement dans les cours inférieurs (Lorion, 2006).

Macrofaune aquatique de La Réunion : poissons et crustacés

La richesse spécifique des poissons et crustacés de La Réunion est faible, car c’est une jeune île volcanique (environ 3 millions d’années). Bien que les espèces indigènes soient dotées de grande capacité d’adaptation, une répartition des espèces longitudinale est distinguée. Cette répartition est régie par leur tolérance à la salinité, le débit, l’oxygénation, la température, … Le cours supérieur des cours d’eau de l’île est colonisé par des espèces rhéophiles adaptées à des courants forts et dotées d’une forte capacité de franchissement telles que les cabots bouche-ronde (Sicyopterus lagocephalus et Cotylopus acutipinnis), l’anguille marbrée (Anguilla marmorata) et la crevette bouledogue (Atyoida serrata) (Keith et al., 2006 ; Valade et Hoarau, 2018 ; Faivre et al., 2020).

La faune aquatique indigène se compose d’espèces migratrices amphihalines et marines sporadiques. On dénombre 29 espèces de poissons et 13 de crustacés. Parmi les espèces de crustacés, on dénombre 11 espèces de crustacés indigènes, cependant une espèce est soupçonnée d’être éteinte et de nouvelles espèces de crabe sont observées mais celles-ci sont inféodées à l’origine aux mangroves. N’ayant pas de mangroves sur l’île, elles sont souvent observées dans des sites limités aux estuaires et lagunes. Deux espèces de crustacés exotiques se 2 sont naturalisées dans l’île (eaudouce.re ; Keith et al., 2006). Parmi les 29 espèces de poissons vivant en eau douce, 20 sont indigènes et 9 sont exotiques c’est-à-dire introduites par l’Homme.

Les introductions d’espèces sont liées à la Société impériale zoologique d’Acclimatation créée en 1854, aujourd’hui connue sous le nom de Société nationale de protection de la nature. Elle se proposait alors de concourir à l’introduction, à l’acclimatation et à la domestication des espèces d’animaux utiles ou d’ornement, au perfectionnement et à la multiplication des races nouvellement introduites ou domestiquées. Mais ces introductions ont également pour origine la pisciculture, l’aquariophilie et la lutte contre les moustiques, vecteurs de certaines maladies. À La Réunion, plusieurs espèces de poissons introduits se sont naturalisées, c’est-à-dire qu’elles ont trouvé les conditions écologiques favorables à l’établissement de leur population de façon durable, autonome et intégrée dans l’écosystème. Parmi ces espèces naturalisées, il y a la truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss).

Effets de l'introduction de la Truite à La Réunion

La truite a été introduite dans les cours d'eau de La Réunion en 1941 par les Eaux et Forêts, aujourd'hui l’Office National des Forêts et les premières observations de sa naturalisation ont été faites à la fin des années 1940. Les recherches effectuées aux archives départementales ont montré que l'espèce a été introduite sur les parties hautes des cours d'eau de La Réunion pour implanter une vie piscicole sur ces cours d'eau qui en étaient dépourvus. Certains écrits relatent également l'apport d'une ressource alimentaire pour les habitants.

L'introduction de la truite a tout d'abord suscité une pêche "alimentaire" pendant deux ou trois décennies, pour laisser la place progressivement à une pêche de loisir. Au fil du temps, la pêche de la truite a été encadrée par la réglementation et les pêcheurs devaient se procurer une licence pour pouvoir pêcher la truite. Cependant, le nombre de licence étant limité par l’Office National des Forêts, qui en assurait la délivrance, certains pêcheurs ne pouvaient pas se procurer le fameux sésame. Ce n'est qu'en 1997, sur sollicitation des pêcheurs, que le Conseil supérieur de la Pêche, aujourd'hui Office Français de la Biodiversité, a envoyé un ingénieur (M. Dominique BARIL), pour structurer la pêche de la truite. Des Associations Agréées de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique, ainsi qu'une Fédération Départementale ont ainsi été créées. Ces structures ont eu pour mission, dans un premier temps la gestion des cours d'eau de 1ère catégorie piscicole et dans un deuxième temps, avec l'application de la réglementation de la pêche en 2ème catégorie en 2003.

Les structures associatives de pêche sont essentiellement administrées par des pêcheurs de truite qui ont œuvré depuis leur création pour doter les structures de moyens humains et matériel afin de mettre en œuvre des actions de préservation de la biodiversité aquatique des eaux douces de La Réunion. Ces actions sont principalement liées à la préservation de la faune piscicole des cours d'eau et plans d'eau, notamment la faune piscicole indigène, à la 3 sensibilisation des jeunes et du public à la préservation de la biodiversité aquatique et à l'amélioration de la connaissance sur les espèces piscicoles, notamment les espèces indigènes.

L'introduction de la truite a plusieurs effets :

• Un effet culturel : depuis son introduction au début des années 1940, la truite fait partie du "paysage réunionnais". La pêche se pratique sur les cours d'eau où la truite est présente ou relâchée, mais également dans deux piscicultures de l'île où une activité de pêche récréative s'est développée.
• Un effet économique : la Fédération compte en 2021 plus de 1700 pêcheurs, dont plus d'un millier qui pêche la truite. Une étude sur le poids économique de la pêche à La Réunion estime l'impact économique à environ 800 000 €/an et la pêche à la truite représente la part la plus importante de ce poids économique.
• Un effet environnemental : l'encadrement de la pêche de la truite a permis la mise en place des structures associatives qui œuvrent pour la préservation de la biodiversité aquatique des eaux douces de La Réunion par des actions de surveillance, de sensibilisation et d'amélioration de la connaissance. La pêche de la truite permet également de limiter la pression de pêche sur certaines espèces indigènes, notamment le Poisson Plat (Kuhlia rupestris) et le Chitte (Agonostomus telfairii).

Cadre et phasage de l’étude

En 2007, le Parc National de La Réunion a été créé avec pour objectif principal de préserver le milieu de l’influence anthropique. Certains secteurs de repeuplement se trouvant dans la zone « de cœur de parc », la politique de repeuplement de la FDAAPPMA a été remise en question. En outre, une étude sur le régime alimentaire a montré que la TAC pourrait prédater les larves de zygoptères endémiques de La Réunion (Couteyen, 2006). En outre, l’espèce a été signalée comme espèce introduite envahissantes sur l’île dans le référentiel taxonomique TAXRef de l’Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN) en 2006. Ainsi, en considération de l’impact majeur des Espèces Exotiques Envahissantes sur la perte de la biodiversité plus particulièrement dans les milieux insulaires constitués par les DOM (Soubeyran, 2010), le cadre réglementaire relatif à la prévention aux introductions d’espèces exotiques est en phase d’évolution. En effet, un arrêté interministériel (signé le 09 février 2018) relatif à la prévention de l’introduction et de la propagation des espèces animales exotiques envahissantes sur le territoire de La Réunion fixe, dans le département réunionnais, une liste d’espèces autorisées à l’introduction, dont la TAC fait partie, sous conditions. Une des prescriptions de cet arrêté qui émane au niveau local concerne la réalisation d’un suivi de la présence de la TAC et de son impact sur le milieu naturel réunionnais. Afin de répondre aux prescriptions de l’arrêté, notamment à la question du possible impact de la TAC en milieu naturel à La Réunion, et en vue de mettre en place une stratégie globale cohérente de gestion halieutique et piscicole sur le Domaine Public Fluvial, la FDAAPPMA a mis en place une étude globale qui vise à renseigner le cas unique au monde d’acclimatation.

Cette étude globale a été prévue sur 4 ans au préalable, mais a duré 5 ans à cause de la crise COVID-19, et s’articule en 2 axes principaux indispensables à l’aboutissement du projet. Il a permis un travail collaboratif entre la FDAAPPMA974, l’Institut National de Recherche pour l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement (INRAE), le bureau d’étude OCEA Consult’, l’association Hydro Réunion (jusqu’en 2018), l’Office Français de Biodiversité (OFB), la Direction de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DEAL) de La Réunion, le Parc National de La Réunion l’Office de l’Eau de La Réunion et Fédération Nation de la Pêche en France (FNPF), de répondre à deux principaux objectifs indissociables, identifiés comme les 2 axes de l’étude :

→ Axe 1 : mieux connaitre et comprendre l’état et le fonctionnement des populations de truites arc-en-ciel acclimatées et soutenues dans les cours d’eau de première catégorie piscicole de l’île de La Réunion, qui s’est déroulé en 2 phases de 2017 à 2019 :

• Phase 1 :

- Volet 1 : étude des populations de truites arc-en-ciel naturalisées à La Réunion : caractérisation de l’habitat, biologie et répartition (Suel, 2017 ; Treilhes et Suel, 2018)
- Volet 2 : étude du poids socio-économique de la pêche de loisir à La Réunion (Lepinay, 2017 ; Treilhes et Suel, 2018)

• Phase 2 :

- Volet 1 : état des lieux des populations de TAC maintenues artificiellement (FDAAPPMA974 et OCEA Consult’, 2019)
- Volet 2 : suivi des populations de TAC acclimatées et soutenues (FDAAPPMA974 et OCEA Consult’, 2019)

→ Axe 2 : évaluer la place et l’impact de la truite arc-en-ciel dans les écosystèmes aquatiques réunionnais, qui s’est déroulé en 2 phases de 2020 à 2022 :

• Phase 1 : déterminer des stations de référence pour l’étude TAC (OCEA Consult’ et FDAAPPMA974, 2020)

• Phase 2 : fonctionnement des populations de TAC et impacts sur les écosystèmes aquatiques réunionnais (Roussel et al., 2022)

Axe 1 : mieux connaitre et comprendre l’état et le fonctionnement des populations de truites arc-en-ciel acclimatées et soutenues dans les cours d’eau de première catégorie piscicole de l’île

Phase 1

Volet 1 : étude des populations de truites arc-en-ciel naturalisées à La Réunion : caractérisation de l’habitat, biologie et répartition (Suel, 2017 ; Treilhes et Suel, 2018)

Un nouvel état des lieux des population de TAC acclimatées aux cours d’eau réunionnais a pu être établi grâce à cette étude, à l’issue d’une première démarche de caractérisation de l’habitat des secteurs où la TAC est naturalisée (partie supérieure des cours d’eau) et de la macrofaune aquatique indigène associée.

En 2017, les auteurs ont montré que la TAC est acclimatée sur un linéaire de 11 km, ce qui est supérieur à l’estimation de 2006 avec 9 km. Ce linéaire représente moins de 2 % des 570 km de cours d’eau classés en 1ère catégorie piscicole à La Réunion. Il est réparti sur 6 tronçons de cours d’eau distribués sur 5 bassins versants. En outre, deux tronçons ont été identifiés comme sites potentiels de reproduction de la TAC.

L’étude des 5 sites étudiés de manière approfondie a montré que 3 types majeurs de rivière se distinguent par leur niveau de stabilité, qui est l’expression de la puissance des tronçons et de la variabilité des écoulements :
- Habitat stable : Bras Caron
- Habitat à stabilité intermédiaire : Cap Blanc et Bras Sainte-Suzanne
- Habitat instable : Trou Blanc et Camp Pierrot

Les inventaires piscicoles réalisés sur les populations de TAC acclimatées de Trou Blanc, Camp Pierrot et Bras de Sainte-Suzanne ont montré la présence d’espèces indigènes diadromes dotées d’une forte capacité de franchissement des obstacles avec la présence de cabots bouche-rondes (S. lagocephalus et C. acutipinnis) et de crevette bouledogue (A. serrata). L’absence de ces espèces indigènes sur les secteurs de Cap Blanc et de Bras Caron pourrait s’expliquer par l’existence de zones d’assecs en aval limitant naturellement la colonisation des zones amont par les espèces amphihalines.

Les densités en TAC et leur condition physiologique varient entre les sites, avec une tendance à un faible embonpoint lorsque la densité est forte (cas de Cap Blanc et Bras Caron amont), et inversement (cas du Bras de Sainte-Suzanne et Trou Blanc). Seule la population de Fleurs Jaunes à Camp Pierrot présente un embonpoint fort et une forte densité, laissant supposer des conditions environnementales optimales pour le développement des TAC sur ce secteur (disponibilité en habitat et en nourriture notamment).

D’autre part, la taille moyenne des TAC capturées est faible en comparaison des caractéristiques physiologiques observées dans d’autres régions du monde. La maturation sexuelle semble hâtive, avec une première maturité sexuelle atteinte à l’âge de 0+ : mâles spermiants de 100 mm observés à Mafate, de 118 mm à Sainte-Suzanne et de 122 mm à Cap Blanc selon cette étude et celle de Bouju et al, 2006. Ces différentes observations pourraient traduire une adaptation au stress généré par l’instabilité du milieu.

Enfin, le suivi des températures laisse à supposer que le déclenchement de la ponte pourrait se situer à une température ≤ 14°C, comme montré sur Bras Caron par Bouju et al. (2006). 7 Les potentialités de dispersion de la truite semblent également limitées i) en amont, par l’existence de nombreux cassés infranchissables ou la proximité avec les zones de sources (Bras des Roches Noires et Bras de SainteSuzanne), ii) en aval par la présence d’assecs quasi-permanents sur plusieurs kilomètres (Cap Blanc, Bras Caron et Bras des Roches Noires). En outre, la géologie même du bassin versant, qui détermine la nature et le comportement des matériaux de fond des cours d’eau, a une grande influence sur la disponibilité en substrat adéquat à la reproduction (granulométrie grossière de type graviers) mais aussi sur la capacité de dispersion des TAC (infiltrations).

En dernier lieu, ce volet d’étude sur le fonctionnement des populations acclimatées de TAC a apporté des premiers éléments de réponse à la question de l’impact de la truite sur les milieux aquatiques réunionnais : en dépit d’une forte plasticité écologique dans son aire d’origine, la TAC semble montrer une résistance plus faible aux évènements de crues drastiques que les espèces indigènes. De ce fait, les expansions potentielles de l’espèce par rapport à son aire d’acclimatation actuelle seraient relativement limitées sur les cours d’eau de La Réunion. Dans ce contexte hostile, la TAC semble avoir adopté une stratégie d’histoire de vie caractérisée par une mobilisation rapide de ses ressources énergétiques pour une croissance gonadique plutôt que somatique, conduisant une atteinte de la maturité sexuelle précoce et une reproduction précoce. L’acclimatation de la TAC à La Réunion est fortement contrainte par plusieurs facteurs : la température, la torrentialité et la disponibilité en habitats favorables pour la reproduction et la croissance des adultes.

Volet 2 : étude du poids socio-économique de la pêche de loisir à La Réunion (Lepinay, 2017 ; Treilhes et Suel, 2018)

Ce volet d’étude a consisté à mener une enquête auprès des pêcheurs, avec une enquête menée en ligne, par téléphone et directement sur le terrain. Les résultats proviennent de 150 pêcheurs soit un échantillon de 10 % du nombre total de pêcheurs en eau douce à La Réunion (2016). L’étude a permis d’établir un premier état des lieux chiffré des pratiques de pêche de loisir en eau douce à La Réunion et également d’améliorer les connaissances sur les pêcheurs réunionnais.

Deux profils de pêcheurs se dégagent : les pêcheurs de TAC d’une part et les pêcheurs d’autres espèces de poissons et crustacés d’autre part. Les pêcheurs de TAC sont représentés par 53 % de natifs et 30 % à être résidents depuis plus de 10 ans, les 17 % restants concernent les résidents de moins de 5 ans à 10 ans. Tandis que 95 % des pêcheurs d’autres espèces sont natifs. La plupart des pêcheurs sont des pêcheurs sélectifs (ne pêchent que la TAC) et pratiquent le « no-kill ». La pratique de cette pêche est plutôt occasionnelle et induit des déplacements importants (trajet voiture et marche à pied) vers des sites difficiles d’accès. Les pêcheurs qui recherchent les autres espèces sont très fréquemment retraités ou sans activité professionnelle. Ils visent principalement 4 groupes d’espèces : les tilapias, exotiques, ainsi que des espèces indigènes comme les cabots-noirs, les anguilles et les crustacés. Ces pêcheurs ne pratiquent presque jamais le « no-kill ». Plus réguliers, ces pêcheurs se déplacent peu et privilégient 8 les plans d’eau ou les cours d’eau proche des zones urbaines. La TAC reste l’espèce la plus recherchée et le poids économique (soit 800 000 €/an) de cette pêche de loisir sur l’île.

Cette étude constitue de premiers éléments de connaissance de la pratique à l’échelle locale. Néanmoins, les résultats obtenus mériteraient d’être approfondis par une analyse plus fine du poids économique de la pêche de loisir en eau douce, ciblant notamment la TAC. De même, une étude plus précise sur les modalités du report de pression pêche si la TAC devait ne plus être présente à La Réunion devrait être développée. À terme, le Schéma Départemental de Développement de la Pêche de Loisir en 1 ère et 2 ème catégorie, qui intègrera ces éléments, établira les grandes lignes à suivre en termes de gestion et de suivi à l’échelle de La Réunion.

Phase 2

Volet 1 : état des lieux des populations de TAC maintenues artificiellement (FDAAPPMA974 et OCEA Consult’, 2019)

Ce volet a consisté à dresser un bilan des populations de TAC maintenues artificiellement : localisation et linéaires de cours d’eau à l’échelle de La Réunion, survie des individus déversés et efficacité des soutiens d’effectifs. En parallèle, un historique des opérations de rempoissonnements volontaires en TAC passés et actuels (lieux, dates, quantités, stades) a été effectué depuis son introduction dans les années 1940. Ce volet a fait l’objet d’un stage de Master 2 (Fonteneau, 2018).

Bilan sur l’état de distribution des populations de TAC acclimatées et soutenues à La Réunion

LES PHASES D’INTRODUCTION DE LA TAC DE 1942 À NOS JOURS

DE 1939 AU MILIEU DES ANNÉES 1970 : ADAPTATION LOCALE D’UNE SOUCHE PROVENANT DE MADAGASCAR ET TESTS D’INTRODUCTION MULTIPLES DANS LES COURS D’EAU

Le service des Eaux et Forêts a initié l’introduction de la TAC jusqu’à les années 1970. Ils produisaient des œufs embryonnés dans leur station piscicole de Manja Katompo à Madagascar. Les œufs embryonnés étaient incubés à la station piscicole d’Hell-Bourg ou mis en bassin à Bébour. De nombreux essais d’alevinage des cours amont des rivières de La Réunion ont été réalisés. Néanmoins, ces données d’alevinage sont imprécises. La principale zone acclimatée de TAC était la rivière des Marsouins. Robert (1975) a discuté les succès et échecs des acclimations. L’auteur a déduit que le succès de l’acclimatation sur la rivière des Marsouins était dû à la difficulté d’accès au site ce qui l’a protégé des dangers du braconnage. Alors qu’ailleurs, le braconnage était important. En outre, la reproduction de la TAC a également été observée sur le Bras Sainte-Suzanne à Grand Bassin (1977).

DE 1976 À LA FIN DES ANNÉES 1990 : POURSUITE DES INTRODUCTIONS À PARTIR D’ŒUFS PROVENANT DE MÉTROPOLE

À partir de 1976, la provenance des approvisionnements en œufs s’est élargie avec des commandes provenant de l’hexagone, de Norvège et d’Afrique du Sud. Sur la période 1976 à 1990, les introductions de TAC ont continué à être menées. Il existe peu de documentation sur cette phase. La reprise des alevinages a été effectuée par l’ONF et les associations de pêche se mettant progressivement en place. 9 En 1999, la FDAAPPMA de La Réunion a pris en main la gestion de ces alevinages. Plusieurs points ont pu être constatés. D’abord des alevinages tests ont été menés sur plusieurs bassins versants dont certains ont été abandonnés sur les rivières du Mât, des Roches, des Marsouins, de l’Est, des Galets et Grand Étang. En outre, de nouveaux sites d’acclimatation de TAC ont été observés sur Grand Bassin et la rivière de Remparts.

DEPUIS 1999 : MISE EN PLACE PROGRESSIVE D’UNE GESTION RAISONNÉE, AVEC LA CRÉATION DES STRUCTURES ASSOCIATIVES DE PÊCHE EN EAU DOUCE À LA RÉUNION EN 1997

À compter de la fin des années 1990 et jusqu’aujourd’hui, la FDAAPPMA de La Réunion a repris la gestion des cours d’eau de l’île, dont le programme d’empoissonnement de la TAC. De 1999 à 2019, les introductions ont été effectuées sur 7 bassins versants soit sur les rivières : des Galets, des Marsouins, des Roches, du Mât, Langevin, Saint-Étienne sur laquelle deux la Bras de la Plaine et le bras de Cilaos sont comptabilisés séparément. Durant cette période, la majorité des empoissonnements portent sur de l’alevinage. Tandis que sur les trois dernières années, il n’y pas eu d’empoissonnement à partir de truitelles et les opérations d’introductions d’alevins et de truites sont équivalentes. Cependant, en numéraire, les introductions d’alevins sont largement dominantes (94 % des individus introduits ces trois dernières années).

De 1999 à 2019, la FDAAPPMA a progressivement cadré les empoissonnements en TAC, se référant aux retours des pêcheurs, aux observations de terrain, mais également à des suivis scientifiques menés en interne (Camino 2006). En 2015, compte tenu des enjeux écologiques, financiers et d’efficacité sur la satisfaction de la demande des pêcheurs, la FDAAPPMA a ainsi posé les bases d’une stratégie de repeuplement en truite des cours d’eau de première catégorie piscicole : « L’alevinage sera privilégié (alevins de truite de 3 à 5 cm maximum) sur les sites de pêche éloignés du site d’approvisionnement et/ou du réseau routier : le conditionnement et le transport des alevins étant plus simple à mettre en œuvre et nécessitent moins de moyens humains et matériels » (FDAAPPMA974, 2015). Cependant, après observation de la reproduction naturelle sur certains des sites ci-dessus, les opérations d’empoissonnement y ont été annulées à partir de 2015 (Cap Blanc, Bras Patience, Rivière des Galets, Cap Pierrot, Trou Blanc).

CARTOGRAPHIE DE DISTRIBUTION DES POPULATIONS DE TAC ACCLIMATÉES ET SOUTENUES À LA RÉUNION EN 2019

Le bilan établi sur l’historique des introductions de TAC à La Réunion a permis d’établir une cartographie de la distribution des populations de TAC acclimatée et soutenues de l’île en 2019. Elle repose sur différentes données : historiques par Robert (1970, 1976, 1977, 1978), interrogation de membres d’associations de pêche et des pêcheurs, bilans de repeuplement de la FDAAPPMA et inventaires par pêches électriques ou observations des équipes de la FDAAPPMA, d’OCEA Consult’ et l’INRAE.

État 2018 des peuplements piscicoles sur les secteurs où la truite arc-en-ciel est soutenue

L’état des peuplements piscicoles sur les secteurs où la truite est soutenue par repeuplements réguliers a été réalisé sur des sites témoins : La Passerelle sur la rivière Langevin (truites portions), Bras de Benjoin sur la rivière Saint-Étienne (alevins), Fleurs Jaunes sur la rivière du Mât (alevins et truites portions) et Ravine Terre Rouge sur la rivière des Roches (alevins).

SUIVI DES ALEVINAGES

Le meilleur taux de survie est observé sur Fleurs jaunes (10 %), il serait dû à une plus forte capacité d’accueil des alevins. C’est le seul site où une truite adulte d’au moins un an a été observée confirmant le maintien durable des truites dans le secteur. D’un autre côté, la survie a été nulle sur le site de Ravine Terre Rouge qui semble inapproprié à des déversements d’alevins. Sur le Bras de Benjoin à Cilaos, la survie est relativement faible (4,5 % à 2 mois), mais les alevins y ont eu une bonne croissance. Plusieurs facteurs ont été proposés pour expliquer la faible réussite des alevinages. D’abord les paramètres physiques de l’habitat et chimiques de l’eau (température, O2 dissous, pollution, …). Outre la qualité de l’habitat, leur surface est également importante, en effet celle-ci peut varier lors des étiages sévères et des crues cycloniques. Le braconnage peut expliquer l’échec des alevinages. En outre, la compétition interspécifique spatiale et/ou alimentaire pourrait également jouer un rôle car une forte diversité spécifique a été observée sur les sites alevinés.

SUIVI D’UN DÉVERSEMENT DE TRUITES PORTIONS

Les truites portions subissent une forte pression de pêche dès les deux premiers jours de lâcher. Les résultats des premiers jours du suivi montrent cependant la présence de truites non marquées dans le milieu provenant de précédents lâchers, a minima du dernier déversement ayant eu lieu 26 jours auparavant. Aucun évènement hydrologique majeur n’est survenu entre les deux épisodes de lâcher de poissons. Ces observations illustrent qu’une proportion des individus déversés arrive à se maintenir quelques semaines au moins dans le milieu, en conditions hydrologiques stables.

Des analyses de contenus stomacaux ont été réalisées et ont révélé que les truites portions se nourrissent très rapidement après leur mise à l’eau. La présence fréquente de débris végétaux dans les estomacs de truites ayant passé moins de 3 jours dans le milieu traduit leur agressivité, mais aussi leur manque d’expérience s’agissant de la recherche de ressources alimentaires. De plus la diversité spécifique de proies consommées est plus importante chez les truites non marquées que chez les truites marquées : la diversification des sources d’alimentation augmente au cours du temps. La majorité des proies consommées étaient des invertébrés. Les TAC relâchées se nourrissent essentiellement à partir d’invertébrés dérivant ou capturés au fond, sans doute pour des raisons de facilités et de moindre dépense énergétique. La larve de trichoptère Hydropsyche mokaensis, retrouvée en grande quantité dans les estomacs, est une espèce endémique des Mascareignes très commune dans le secteur de la Passerelle (46.9 % d’abondance, Biotope, 2017) ainsi que dans l’ensemble des cours d’eau de la Réunion. En excluant les larves de trichoptères, 87,6% des invertébrés aquatiques retrouvés dans les contenus stomacaux sont des espèces exotiques. Des ossements de poissons ont été retrouvés chez un individu ayant passé un seul jour dans le milieu ainsi que dans un poisson non marqué sur le site de La Passerelle. Il est peu probable que celle-ci ait pu ingérer un poisson et le digérer pendant ce délai, ces ossements proviennent d’une autre TAC de pisciculture. Chez la TAC ayant passé au moins trois semaines en rivière, les ossements pourraient provenir d’un bouche-ronde. Il semblerait qu’il y ait une certaine sélection sur les ressources trophiques car malgré les fortes densités de crevettes bouledogues sur le site, aucun individu n’a été retrouvé dans les contenus stomacaux. Ces résultats permettent d’avoir des premiers éléments de connaissance de la résilience et de l’alimentation des truites portion déversées dans le milieu naturel à La Réunion. Cette approche sera complétée et étayée par un suivi détaillé d’une opération de repeuplement dans l’Axe 2 du programme : évaluer la place et l’impact de la truite arc-en-ciel dans les écosystèmes aquatiques réunionnais (croissance des individus, prédation, effet sur les communautés benthiques, analyses isotopiques des ressources trophiques).

Volet 2 : synthèse du suivi des populations de truite arc-en-ciel acclimatées et maintenues artificiellement en 2018 et 2019 (FDAAPPMA974 et OCEA Consult’, 2019)

Ce volet a permis de mettre en place un suivi de l’évolution des populations de TAC sur des tronçons de cours d’eau où il n’y a plus de repeuplement (acclimatation supposée ou avérée) et sur des tronçons où il y a des repeuplements (alevinage et truites portions). Le suivi consiste à réaliser des inventaires par pêche électrique afin de caractériser l’évolution spatio-temporelle des densités de TAC. Les descripteurs de peuplements recherchés sont l’abondance et la structure des populations en place (taille, poids, âge) pour fournir des données utiles à la gestion halieutique de ces tronçons de cours d’eau ainsi qu’à la caractérisation des stratégies d’histoire de vie.

Les sites d’étude sont répartis sur 4 des 5 bassins versants où la TAC est acclimatée à La Réunion. En outre, des inventaires ont également été réalisés sur des sites où la TAC n’est plus alevinée depuis 2016 dans l’objectif de tester la résilience de la TAC.

Les peuplements piscicoles présentent une faible richesse et abondance sur les secteurs où la TAC est acclimatée. La crevette bouledogue a été observée sur un site (Grand Bassin) et les deux bouche-rondes sont également observés sur un seul site où la truite est acclimatée (Rivière du Mât à Trou Blanc en aval de la source Pétrifiante).

Sur les secteurs où la TAC est soutenue (alevinage ou truites portions), la richesse et l’abondance en espèces de poissons et crustacés sont supérieures à celles de la TAC. Enfin sur les deux secteurs non repeuplés depuis 2016, une TAC a été observée sur la Ravine Blanche à Camp Pierrot. Étant donné la taille importante de cet individu (320 mm), il pourrait être issu d’un relâcher volontaire de pêcheurs du secteur ou que ce poisson ait résisté depuis 2016. Tandis que sur la rivière du Mât à Trou Blanc en amont, aucune TAC n’a été capturée. Les deux espèces de bouche-ronde (SIC et COA) colonisent ce tronçon de cours d’eau.

Les structures de tailles des différentes populations de TAC échantillonnées mettent en évidence :

- Des cohortes distinguées et identifiées sur les secteurs où les populations de TAC sont acclimatées,

- Des cohortes erratiques avec une faible structuration sur les secteurs où les populations de TAC sont soutenues,

- Des recrues ont été observées sur toutes les stations où les populations de TAC sont acclimatées sauf sur la rivière Fleurs Jaunes à Camps Pierrot, la reproduction était sûrement moins efficace sur l’année étudiée (2019),

- Un net décalage positif des distributions de tailles sur la station Trou Blanc en aval de la source pétrifiante. La croissance des truites y semble plus rapide que sur les autres tronçons où la truite est acclimatée,

- La présence d’individus de plus de 300 mm uniquement sur la station Fleurs Jaunes à Camp Pierrot. Deux hypothèses pourraient expliquer cette présence : (i) un meilleur échappement à la pression de pêche en raison de la forte densité en truite, (ii) des individus issus des repeuplements anciens encore présents sur cette station (tailles proches de la truite capturée sur Ravine Blanche à proximité et dont la présence reste non expliquée).

Un focus a été réalisé sur l’abondance en TAC de taille capturable (200 mm) pour la pêche de loisir sur les populations acclimatées et soutenues. Il s’avère que la ressource halieutique pour les pêcheurs est supérieure dans les secteurs où la TAC est acclimatée. Les plus fortes abondances en TAC capturables à l’ouverture de la pêche à la ligne sont localisées sur les secteurs de Camp Pierrot (rivière Fleurs Jaunes) et de Trou Blanc (rivière du Mât), entre 27 et 33 poissons capturables pour 100 mètres de cours d’eau à l’ouverture. Cette ressource halieutique est plus faible sur les 3 autres secteurs : entre 2 et 4 poissons capturables pour 100 mètres de cours d’eau. Sur les secteurs alevinés, et au moment de l’ouverture de la pêche, on observe entre 1 et 2 poissons capturables pour 100 mètres de cours d’eau.

Ces observations mettent en évidence des dynamiques de croissance et, in fine, de stratégie de maintien des populations acclimatées différentes selon les sites. Ces éléments de connaissances sont essentiels à prendre en 14 compte pour adopter une gestion ad ’hoc des populations, visant à garantir le maintien du stock, tout en offrant un potentiel halieutique. En complément, les suivis menés sur les populations acclimatées mettent en évidence la faible efficacité halieutique des opérations de soutien des populations par alevinage.

Perspectives pour la pérennisation d’un suivi de ces populations

La gestion de ressources halieutique repose d’abord sur sa bonne connaissance. Les résultats de cette étude ont apporté un éclairage sur l’état des populations de TAC acclimatées et soutenues et leur potentiel halieutique.

Permettant ainsi de reconsidérer certains points de gestion de cette ressource :

- Les potentiels de croissance des différents sites où la TAC est acclimatée sont variables et induisent des abondances variables en TAC capturables à la taille de 200 mm → sectorisation de la taille de capture ?

- Les densités en TAC acclimatées sont très variables selon les sites et ne conduisent pas à un taux de TAC capturables équivalent. Certains sites paraissent ainsi « saturés » en TAC de petites tailles → utilisation de secteurs de cours d’eau comme pépinière pour soutenir des portions où la reproduction est moindre ?

- Sur les portions de cours d’eau où la truite est soutenue, les abondances sont très faibles et les poissons capturables quasi-absents → comment choisir les sites et quelle surveillance à mettre en œuvre pour valoriser le potentiel halieutique de ces actions d’alevinage ?

Afin de continuer à alimenter la réflexion sur la gestion et à valider les mesures engagées sur les populations de TAC, il semblerait nécessaire de la FDAAPPMA974 poursuive ces suivis. Ils devraient être mis en œuvre par des méthodologies éprouvées, permettant d’effectuer des comparaisons spatiales et temporelles, comme amorcé dans cette étude. Il est également nécessaire de pouvoir disposer d’un temps de traitement rapide pour une prise en compte des informations pour adapter la gestion.

Dans ce contexte, en 2019, la FDAAPPMA974 et l’INRAE ont commencé à réaliser des tests de pêche selon le protocole VigiTruite, lesquels ont été poursuivis en 2020. Ce protocole pourrait remplacer, à terme, la réalisation d’inventaires par pêches totales, plus couteuses en temps et en moyens humains.

À court terme, il apparaît nécessaire de poursuivre les efforts engagés dans ce suivi, par un échantillonnage annuel au minimum des 5 sites d’étude où la truite est acclimatée, en parallèle d’un suivi thermique. L’échantillonnage pourrait être conduit en septembre, permettant de donner un état des lieux avant la saison de pêche et en fin de saison de reproduction. Cet état des lieux pourrait également permettre de donner une alerte sur des actions d’urgence à prendre en cas de trop faibles population (fermeture partielle ou totale d’un secteur de pêche par exemple). Des inventaires des populations soutenues témoins doivent également être engagés, en fonction du planning de repeuplement réalisé.

AXE 2 - Evaluation de la place et de l’impact de la TAC dans les écosystèmes aquatiques réunionnais

Phase 1 : détermination des stations de référence pour l'étude de la truite arc-en-ciel dans le milieu naturel à La Réunion (OCEA Consult’ et FDAAPPMA974, 2020)

Ce volet vise à mieux appréhender les types de milieu naturel dans lequel la TAC est acclimatée et identifier la faune aquatique présente sur ces stations. Il consiste à caractériser les cours d’eau où la TAC est acclimatée et les cours d’eau ayant des conditions hydro-morphologiques similaires sur lesquels la TAC est absente (non introduite ou non maintenue).

L’identification des stations de référence de la TAC a reposé sur l’analyse d’un ensemble de descripteurs du milieu : le régime hydrologique des sites, la morpho dynamique du cours d'eau, la physico-chimie de l'eau, ou encore les caractéristiques de la faune d'eau douce. Trois types de sites ont été étudiés : sites où la TAC est acclimatée, sites où elle est soutenue et sites « contrôle » où elle est absente. Pour chaque type, deux sites seront sélectionnés. Les sites d’étude devront ainsi présenter des caractéristiques mésologiques similaires afin d’être comparés, pour ainsi mettre en évidence les paramètres du milieu qui expliquent et structurent au mieux le maintien ou le non maintien de la TAC dans les cours d’eau de La Réunion.

Sites à population de truite acclimatée et soutenue

À partir des éléments de répartition des populations de TAC, une première sélection a été réalisée. Pour chacun des sites, des données permettant de les caractériser ont été compilées (superficie du bassin versant, débit d’étiage, pente moyenne, gamme d’altitude, linéaire de présence de la TAC, la présence de taxons indigènes) et l’accès sécurisé des sites. Cela a permis de mettre en évidence divers points. D’abord, les secteurs où les populations de TAC sont soutenues concernent les mêmes bassins versants que les populations acclimatées sauf la rivière des Marsouins et des Galets où il n’y a que des populations acclimatées. Ensuite, des différences sont visibles pour les autres éléments descripteurs du milieu comme l’altitude ou les pentes moyennes entre autres. La TAC s’est acclimatée dans des zones difficiles d’accès, dans des petits systèmes très apicaux, hormis le site historique de Takamaka. En outre, la richesse et l’abondance d’espèces de poissons et crustacés indigènes sont très faibles dans ces zones. Tandis que les secteurs où les populations sont soutenues présenteraient une plus forte énergie, davantage de contraintes hydrauliques et des peuplements en poissons et crustacés plus diversifiés (altitudes plus basses).

Sites contrôle

Le choix des sites contrôle a reposé sur les principales caractéristiques communes aux sites hébergeant la truite, soit des gammes de topographie et de fonctionnement hydromorphologique équivalentes, la présence de communautés d’espèces de poissons et crustacés, un bassin versant identique ou avec des conditions mésologiques proches. Les deux bassins versants retenus sont ceux des rivières du Mât et Saint-Étienne. Les 16 gammes d’altitude ciblées avoisinent les 900 m et les bassins versants récepteurs présentent globalement une superficie plus restreinte que pour les secteurs à TAC. Les pentes moyennes sont plus élevées que celles avec TAC. Enfin, tous les secteurs ciblés présentent des peuplements comprenant des taxons de poissons et crustacés pouvant vivre en sympatrie avec la TAC.

Stations de référence retenues

Les éléments obtenus ont permis de proposer 4 couples site TAC-site « contrôle ». Cependant à la suite de la première campagne d’inventaire (mai 2019) les sites retenus ont été modifiés. D’abord, ces modifications portent sur des questions d’optimisation de temps car l’objectif de cette première campagne était de marquer le plus grand nombre de TAC pour un suivi Capture-Marquage-Recapture. Ensuite les sites alevinés n’ont pas permis de capturer des TAC contrairement aux sites acclimatés, ces sites ont été abandonnés. Enfin, sur les sites contrôle aucune espèce de poissons et crustacés n’ont été observées, au vu de l’objectif du projet les sites choisis n’ont pas pu être retenus.

Cette stratégie a conduit à sélectionner deux secteurs où la reproduction de la TAC n’est observée que depuis quelques années : Fleurs Jaunes à Camp Pierrot et Cap blanc. Sur ces secteurs, les derniers ensemencements datent respectivement de 2016 et 2015. L’ajout de tels sites devrait permettre de mieux comprendre la dynamique et le fonctionnement des populations de TAC naturalisées au sein des cours d’eau réunionnais. Finalement, quatre sites d’étude où la truite est acclimatée, et quatre sites « contrôle » sans truites, ont été sélectionnés.

Phase 2 : fonctionnement des populations de la truite arc-en-ciel et impacts sur les écosystèmes aquatiques réunionnais (Roussel et al., 2022)

Cette phase consiste à objectiver les risques liés à la présence de population de TAC acclimatées et à leur propagation dans les écosystèmes aquatiques de La Réunion. En outre, il s’agit de faire des recommandations de gestion de l’espèce. Cette étude repose sur les connaissances acquises, et également sur des investigations spécifiques de 2019 à 2021 sur les populations et les écosystèmes récepteurs. Les méthodes utilisées sont variées et complémentaires : analyse historique des empoissonnements, enregistrement des températures d’eau, inventaires d’abondance des populations de TAC, mesures biométriques et marquage individuel, lecture d’écailles, analyse des contenus digestifs, inventaires de diversité et analyse des communautés d’invertébrés aquatiques, mesures de concentration algale des biofilms, études des réseaux trophiques par isotopes stables. Les impacts sur les écosystèmes ont été évalués par comparaison de sites avec et sans TAC.

D’abord, la TAC occupe un petit linéaire des cours d’eau malgré les nombreuses opérations d’empoissonnement réalisés dans les années 40. La naturalisation est indépendante de l’effort d’empoissonnement. La modélisation de la niche thermique favorable a montré qu’une potentielle expansion des populations naturalisée serait limitée.

Les caractéristiques démographiques de la TAC à La Réunion sont singulières. Sa croissance et sa condition corporelles sont faibles comparées aux standards de l’espèce. Son espérance de vie est basse (3 ans) et le maintien des populations n’est rendu possible que par une réduction de l’âge (1,3 ans) et de la taille (parfois 10 cm) à maturité. Les populations semblent donc présenter une faible résilience au regard du faible recouvrement des cohortes. Dans ces conditions, une expansion démographique parait peu probable.

La TAC naturalisée à La Réunion occupe une niche écologique vacante sur les sites étudiés. C’est un prédateur quasi exclusif d’invertébrés herbivores, une compétition avec les espèces indigènes présentes dans le milieu (bouches rondes) est très peu probable. En présence de la TAC, les communautés d’invertébrés aquatiques apparaissent plus diversifiées et abondantes, mais dominées par certains taxons de plus petites tailles. La prédation sur des espèces endémiques et subendémiques est très limitée et non ciblée. Les impacts de la TAC sur les écosystèmes récepteurs sont qualifiés de mineurs.

Ces travaux ont mis en évidence le caractère singulier des populations naturalisées de TAC de La Réunion par rapport aux populations connues ailleurs. Ils soulignent que les impacts sur les écosystèmes récepteurs sont limités, et qu’une dynamique invasive de cette espèce exotique naturalisée sur l’île est peu probable au regard des connaissances actuelles. Dans ce contexte, les auteurs suggèrent que les mesures de gestion qui seront prises vis-à-vis de la TAC naturalisée de La Réunion soient réfléchies dans une analyse des coûts et des bénéfices intégrant ces conclusions.

Cependant les auteurs préconisent de rester attentif à une potentielle expansion démographique de la TAC sur l’île au regard d’un processus évolutif d’adaptation aux températures plus élevées, ou d’une modification rapide de l’environnement. En complément des méthodes classiques d’inventaire de population, ils suggèrent d’utiliser un protocole d’ADNe pour préciser les zones de présence et d’absence de l’espèce, et d’actualiser régulièrement la distribution de l’espèce afin de détecter un expansion spatiale éventuelle. Les informations recueillies devront permettre de réviser, si nécessaire, la position à tenir vis-à-vis de l’espèce.

En conclusion, les populations de TAC naturalisées sont précaires et il n'y a pas de signaux tangibles d’une dynamique invasive de l'espèce, ni d’effets graves de sa présence dans les cours d’eau étudiés.

Les auteurs proposent aussi des mesures plus spécifiques pour la gestion de la pêche à la ligne de la TAC avec l’arrêt des empoissonnements sur les sites où la TAC est naturalisée, l’adaptation de la taille légale de capture en fonction de la population et la réalisation d’un suivi de ces populations afin de définir des points de référence biologique et le taux de recrutement annuel.

Retrouvez ci-dessous en téléchargement la synthèse de cette étude (format PDF - 630 Ko) :

FD974