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Accéder au sitePublié le 26/04/2023
Paysan, debout !
J’ai toujours cru, et je crois encore, que le paysan doit prendre soin de la terre nourricière, dont il obtient le fruit de son travail, de son gagne-pain. Issu d’une veille famille de paysans installée dans les contreforts des Pyrénées, c’est ce que j’ai toujours entendu dire de la part de mes oncles et grands-parents. Et je l’entends encore dire de vieux paysans réunionnais. Ce n’est pas rétrograde de le dire, mais au contraire c’est anticiper, sauvegarder l’avenir.
Ce postulat qui est un simple constat de bon sens est piétiné sans aucune retenue. Le mot est encore un peu faible quand l’on constate les outrages permanents, récurrents que subissent les milieux naturels dans leur ensemble depuis des décennies. Qu’en sera-t-il avec les perspectives peu encourageantes du réchauffement climatique, dont on nous dit (les scientifiques) qu’il fragilisera encore plus nos écosystèmes ?
Les terres saturées d’engrais chimiques et de pesticides ont perdu toutes leurs fonctionnalités naturelles et sont, pour beaucoup d’entre elles stériles. Plus la terre est stérile plus il lui faut d’engrais chimiques pour produire. Le but des multinationales agro-alimentaires est atteint : nos paysans ne peuvent plus se passer des intrants et autres herbicides dont les prix ne cessent d’augmenter. Les voilà pris dans le cercle prédateur de cette filière. Intimement liées, rentabilité financière et rendement à l’hectare sont les deux mamelles toxiques de ce cercle où la spéculation sur les matières premières vient accroitre l’endettement de nos paysans. Les conséquences sociales et individuelles nous les connaissons : l’abandon ou le suicide ! Des vies familiales brisées, des rêves écroulés.
Non content d’épuiser cette Terre-Mère, les productions qui en résultent contiennent des molécules dangereuses pour la santé de l’homme (le chlordécone antillais est assez éloquent sur ce sujet). A ces molécules délétères s’ajoute une bonne dose de sucre (dont on connait les dégâts qu’il occasionne dans la santé des réunionnais). Toutes ces molécules associées sont de plus en plus présentes dans les aliments transformés dont le commerce alimentaire fait ses choux gras. Issus de cette filière, ils (les aliments transformés) viennent former et conforter un deuxième cercle vicieux dans lequel se noie une politique de la santé publique souvent timide, voir complice. Le lobbying phyto, agro, pharmaceutique et pétrolier s’invite, outre dans nos assiettes, dans nos parlements nationaux et européens, où ils trouvent l’appui de certains élus et de syndicats agricoles vassalisés. Leur puissance est telle, qu’ils font et défont à loisir et à leur bénéfice toutes les lois qui concernent le monde agricole et alimentaire. On peut le constater à chaque recul ministériel sur les fongicides, sur la possible modification des débits réservés, j’en passe et des meilleures ! A La Réunion quelle garantie avons-nous pour la survie de la canne à sucre dans un contexte où le monopole des sucriers peut à tout moment liquider cette culture. Autant prendre les devants et avancer à pas forcés vers une diversification salvatrice et respectueuse. D’autant plus que le sucre réunionnais ne pèse pas lourd sur le marché mondial (production mondiale 2021-2022 185,54 millions de tonnes, production Réunion : 210 000 tonnes soit 0,1 %). Même les betteraviers métropolitains ne sont pas à l’abri d’une déconvenue identique et ils le savent ! (Des usines de sucre betteravier ont été récemment fermées, restructuration de TEREOS… à suivre).
Les solutions existent, elles sont connues de tous. Il suffit d’un peu de courage politique. Mettons-nous autour d’une table, posons les problèmes à plat. Mettons de côté nos égos et commençons par porter une aide financière, technique et individuelle à ceux qui nous nourrissent. Non content de redresser des hommes qui peinent au labeur, nous assainirons notre patrimoine naturel auquel nous sommes très attachés et nous donnerons une perspective pleine d’espoir à une profession indispensable à notre vie. Le temps presse, il nous est compté. Que les chambres consulaires concernées, que les élus locaux et nationaux de notre département, avec le mouvement associatif indépendant (je pense par exemple au collectif « Oasis réunion ») se retroussent les manches et organisent des assises locales de l’agriculture. De la même façon qu’il existe des CLE (Comités Locaux de l’Eau) pour l’élaboration des SAGE (Schéma d’Aménagement et de Gestion de l’Eau) mettent en place des Comités Locaux de l’Agriculture afin d’être au plus près des réalités de terrain et d’adapter au mieux les décisions. L’autonomie alimentaire pour notre île serait, à mon avis, un des fils conducteurs dans cette transformation. Yes we can ! pour reprendre une célèbre formule. Nous avons, à La Réunion, les capacités intellectuelles et les compétences techniques et nous avons surtout une île et un climat (des micros-climats) qui peut répondre à ce nouveau défi. Et surtout qu’on ne vienne pas me dire qu’il n’y pas d’argent. Les financements européens sont à notre disposition. Répartissons-les d’une manière plus équitable et plus efficiente. Que nos élus nationaux se battent enfin pour une Politique Agricole Commune (la PAC) qui ne fasse plus la part belle aux grandes exploitations, mais plutôt à celles qui se reconvertissent, à celles qui auront l’audace et le courage de s’orienter vers des méthodes plus vertueuses, à celles qui mettrons un terme, progressivement, à toute monoculture intensive de quelque culture que ce soit. L’exemple de la déforestation pour la monoculture intensive du soja ou de l’huile de palme est assez démonstratif. Il nous faut stopper ce suicide collectif, incompréhensif mais surtout stupide.
Ça ne sera pas facile, certes, mais l’enjeu en vaut la chandelle. Les générations futures seront plus fières de notre action qu’elles ne le sont aujourd’hui et surtout elles vivront dans un monde plus sain, plus concilient, plus équilibré et plus tolérant. En un mot, soyons responsables.
« Il ne sert de rien à l’homme de gagner la Lune s’il vient à perdre la Terre. » F. Mauriac.
Jean Paul MAUGARD,
Président de la Fédération Départementale
de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique de La Réunion